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Projets

Workshop dérive urbaine et cartes mentales à la Manufacture

Ce qui suit est le compte rendu d’un workshop organisé en février 2019 conjointement avec Agnès Perreten-Lopez (architecte) et Floriane Facchini (auteur, metteure en scène et comédienne) à la Manufacture (formation théâtre et danse).

L’objectif de ce workshop était de partir d’une déambulation urbaine collective pour créer des cartes mentales subjectives, à partir des choses vues, senties et imaginées durant cette dérive de quelques heures.
L’enjeu final était de produire des objets artistiques, sous forme de performances, installations ou de projets hybrides (réel / virtuel), à partir de ces cartes mentales nous servant de « partitions » d’intuitions et d’intentions.

Le parcours de la semaine

Le déroulé de ce workshop de 5 jours était le suivant, jour par jour:

  1. Cadrage et objectifs, avec exemples et discussions sur les enjeux et les méthodes
  2. Dérive collective et création de la carte mentale
  3. Finalisation de la carte mentale et création de petits groupes de travail
  4. Création de l’objet artistique, répétitions
  5. Restitution collective

Voici le document de cadrage, avec les intentions, objectifs et méthodes :

Commencer à prendre pied dans le réel d’un territoire

Autant le nombre de projets artistiques réalisés sur base d’arpentages participatifs, de dérives situationnistes ou de déambulations créatives est vaste (il s’agit presque d’une discipline artistique en soi), autant il n’est pas évident de convoquer toutes ces pratiques artistiques, en relation avec les écrits des théoriciens et des penseurs anciens (avec notamment l’art de la mémoire), pour créer un objet théâtral qui puisse un minimum correspondre aux attendus du métier.

En effet, le défi consistait de s’octroyer la liberté de penser au delà du texte (la partition littéraire), de la boite noire (l’espace théâtral) et de l’objet à poser dans le monde selon un rituel donné (la pièce pour spectateurs, un soir). Tout en prenant en considération la réalité d’un territoire, dans ce qu’elle est de plus triviale et fonctionnelle, avec ses absurdes et ses problèmes criants, en la regardant pour ce qu’elle est, en l’écoutant sans trop de filtres préalables.

Comment des créatifs des arts de la scène pourraient-ils s’approprier une réalité urbaine complexe, banale, sans fin et fond, pour apporter leur contribution à ce territoire composé principalement de gestes urbanistiques et architecturaux…? Est-ce qu’il y a une place pour l’art et la création dans un espace urbain où l’on sent avant tout une volonté de maîtrise qui ne s’accorde que très peu avec ses propres failles ?

Comment des étudiants ne connaissant pas ce bout de territoire pourraient-ils interpréter ses enjeux spécifiques, entrer en dialogue avec l’espace urbain pour au final lui raconter une histoire de leur cru ?

Un territoire peut en cacher un (ou plusieurs) autres

Pour corser plus l’affaire et afin de rendre nos efforts plus « contemporains », nous avons tenté « d’injecter » un peu de monde digital, relié au territoire via nos usages géolocalisés. Avec comme premier vecteur, les photographies réalisées avec nos smartphones, mais également des captations audio et vidéo, ou l’enregistrement du parcours par le GPS.

Serait-il possible de profiter des outils et du potentiel du numérique pour alimenter la réflexion sur le geste créatif, pour garder trace de ce processus de fabrication (au-delà de ce billet) et pour planter des petites graines virtuelles dans le territoire, à même de lui insuffler des devenirs poétiques et alternatifs ?

Il va sans dire que nous n’avons pas pu répondre à toutes ces questions, nombreuses et complexes, mais que ce n’est que partie remise.
Ce billet est donc comme un témoin que l’on pourrait faire passer vers un futur projet, où d’autres acteurs (de théâtre ou simplement des acteurs de leur quotidien) pourraient reprendre cette attitude spécifique à la dérive: une concentration ouverte, un vagabondage obsessionnel, un laisser aller des émotions simples…

En se disant que le territoire est comme un livre, libre à être interprété, libre à être malaxé, avalé, digéré et replanté selon des méthodes qui ne sont pas que celles des métiers de la ville.

Voici la vidéo de quelques moments emblématiques de notre déambulation, filmés en grande partie par Sophie Dascal:

Qu’avons nous recueilli ?
En résumé, nous avons principalement été chercher les interstices, les failles, les endroits où la maîtrise laisse place au… vide, au temps, aux devenirs incertains. Aussi à la colère, à l’incompréhension, au recueillement, au lâcher prise, au second degré.

Une collection de photos, avec des images de la dérive dans le même territoire, réalisée en 2008:

https://photos.app.goo.gl/zVmoLf575jddUQj19

La fascination qu’exercent ces espaces en friche, ces tiers lieux, ces bouts de ville oubliés et laissés pour compte, est emblématique pour qualifier le matériaux dont a besoin la recherche artistique.

La carte mémoire digitale de la dérive

Less cartes mentales analogiques de la dérive

Heureusement que l’imaginaire « organique », analogique et matérialisable avec la main peut prendre le dessus sur ce qui est finalement assez plat et évident (nos images digitales des interstices), malgré un élan esthétique qui opère vite. Le digital a semble-t-il besoin d’une piste de décollage plus longue que l’analogique pour nous emmener ailleurs…

Avec un papier et des stylos, du scotch et des ficelles: voici les cartes mentales réalisées par les étudiant.es:

https://photos.app.goo.gl/R6nMGM4bpbFroEGk6

C’est là où prend forme une nouvelle utopie, un nouveau terrain des possibles, propice à réenchanter le réel par des ricochets en partie incontrôlés et bien improvisés.

Faire territoire avec les cartes mentales

Mise à plat des cartes, par groupes

 

Nous avons créé trois groupes, basés sur des thématiques, enjeux et méthodes similaires se retrouvant sur les cartes – cela a donné de manière assez naturelle une direction cohérente pour les performances à concevoir.

Tisser des liens, tricoter des relations, pas de danse inter-cartes

 

Les étudiants avaient ensuite une journée pour préparer leurs performances, conceptualisées à partir des cartes, nourries par les traces (mémoire digitale et éléments tangibles) de la dérive…

En regardant avec une certaine distance, on peut se dire que cette phase consiste surtout à élaguer, à enlever, pour ne garder à la limite qu’une émotion, une obsession.
Pour reconstruire le monde à partir de là…

Les performances réalisées, captation

Pole Dance. Des business workers arrivent à Malley, se frottent aux éléments de la mémoire des lieux (les piliers), perdent le nord et repartent bredouille…

Enterrement. La nature est décédée – elle a droit à une cérémonie couronnée par le poison qui l’a tuée: les détritus et la pollution…

La plante. L’histoire d’une plante, qui de transplantation en recherche d’identité fini par sortir de la maison, en se pensant oiseau…

Ce qui serait beau maintenant, c’est que ces trois performances puissent faire partie, d’une manière ou d’une autre, de ce bout de ville en mutation. Pour inspirer, questionner, donner des idées et des envies… au même titre que le mobilier urbain: de manière plus pérenne, dans le temps long, qui transforme et rend les choses peut-être aussi plus belles.
Il suffit d’aller chercher quelques images d’archives d’il y a 100 ans, et on est transportés !

Ce sera peut-être, espérons-le, pour un prochain workshop !

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