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Sortir la tête du guidon

Sortir la tête du guidon, épisode 1

Le temps est une denrée précieuse, qui se fait bizarrement de plus en plus rare au fur et à mesure de notre chemin dans la vie.

C’est en tout cas ce que je vois autour de moi, au niveau professionnel et personnel: stress chronique mangeur de disponibilité, pression de répondre dans les temps à toutes les attentes et sollicitations qui pèsent sur nos épaules, tension diffuse et néanmoins tenace de devoir résoudre en même temps tous les nœuds tricotés par la vie, en passant par le haut…

Le fait de dire « je n’ai pas le temps » devient comme une sorte de gage de réussite, un alibi pour la fuite: on a toujours plus important à faire ailleurs.
Cette course effrénée derrière le temps qui convertit les problèmes à résoudre en intensité de vie est un choix.
Mais pas une fatalité.

Le temps, comme dans un film, c’est une image après une autre, un instant après un autre.
Alors que ce que l’on doit résoudre, c’est une chose à côté d’une autre, comme une grande chaîne de montagne plantée devant nous, dans l’espace.
Il y a donc un problème: comme on affronte de face tous ces sommets en même temps, tout le temps, le temps devient une montagne de plus, une entité que l’on doit surmonter alors que l’on a déjà assez comme ça sous les yeux et dans les pattes.

Et ce n’est pas en pédalant plus vite que l’on va laisser les montagnes derrière soi: une montagne en cache une autre, souvent…
A l’inverse, d’abandonner l’ascension n’est pas une solution non plus: ce que les montagnes ont à nous apprendre est trop précieux.

L’herbe est plus verte ailleurs

Alors on pourrait se poser la question: mais pourquoi dois-je passer à tout prix par dessus ces montagnes ? Qu’est ce que je cherche de l’autre côté, en fait ? D’ailleurs, qu’y a-t-il ici qui me pousse à partir pour franchir ces montagnes ?

Et encore: pourquoi je ne peux pas m’arrêter un moment, pour goûter le paysage dans lequel je me trouve ?

Quand on regarde les sommets à franchir et que l’on ne sait plus très bien où l’on en est sur le chemin par dessus la chaîne des problématiques à résoudre, notre film sautille dans le projecteur et on ne voit plus les contours de notre environnement immédiat, on perd le fil de l’histoire, de son histoire…
Tout devient agression, du petit cailloux qui coince dans la chaussure à la question de l’enfant en nous qui demande « on arrive quand ? », en passant par la déception de l’herbe qui n’est jamais assez verte sous ses propres pieds.

A ce moment là, c’est salutaire de prendre le temps pour écouter les histoires racontées par les autres personnes que l’on croise: sur le chemin particulier qu’ils ont emprunté, sur les questions qu’ils se sont posées, sur les choses qu’ils ont vues, sur les lieux qu’ils ont découvert là bas, derrière les sommets.

Alors la magie peut opérer: les montagnes prennent une autre couleur, les pentes une autre saveur, les raisons de choisir tel chemin des racines plus solides.

Regardez, il n’y a plus rien à circuler

On m’a souvent dit qu’il fallait que je ralentisse, pour ne pas sortir de la route au prochain virage; qu’il fallait que je m’arrête un moment, pour ne pas décrocher les personnes que je voulais prendre avec sur mon chemin.
J’ai écouté, mais je n’ai pas levé les yeux de mon guidon. Trop dans mon trip.

Les décrochages ont eu lieu et à force de sortir de la route, je me suis retrouvé dans un champ en friche, loin des chemins balisés.

Il ne me restait alors plus qu’à semer et à arrêter de ronger mon frein.
Pour que la route pousse à nouveau, que mon vélo puisse à nouveau freiner.

Par la force des choses, j’ai choisi de sortir la tête du guidon.
Pour lever le regard: sur les nuages, vers le ciel. Pour chercher la petite maison dans la Comet.

Dans la foulée, j’ai ajusté les jumelles en regardant dans le rétroviseur

Les montagnes sont belles. Et j’ai repris la route avec mon vélo aux freins tout frais.

La première révélation qui m’est venue en reprenant la route: en fait un guidon, ça sert principalement pour tourner, pour réorienter sa course.
C’est évident, mais à force de suivre la route assignée on en oublie qu’elle n’est pas une fatalité.

Les nuages, souvent, filent par dessus les sommets, et parfois, les prennent avec

J’aimerais partager avec vous, lectrice ou lecteur qui prend le temps de lire ces lignes, ce qui me permet de sortir le nez de mon guidon.

Sortir la tête du guidon, épisode 1 que vous avez sous les yeux est ma liste référence de sites critiques, très bien documentés et à la pensée constructive au sujet des effets du numérique sur notre société. Entre autre, parce que le numérique déborde…

Sortir la tête du guidon, épisode 2 fera lui le tour de quelques sites qui vont plutôt chercher le vent et les nuages à l’intérieur.
Le voyage sera donc plus personnel, intime, introspectif. Entre autres, parce que le vent se glisse partout…

Et l’épisode 3 finira bien par poindre le bout de son nez, au moment et à l’endroit qu’il faudra.

Vous le verrez, c’est pour la plupart des sites personnels, des blogs comme on dit – et pas des sites institutionnels ou des médias.
J’ai de plus en plus perdu foi dans ce qui est institutionnel ou qui appartient à une entité qui en impose: ce qui en sort ne me touche pas comme ce qui vient de la main d’une personne, connectée à son cœur et à sa tête en même temps.
Mais heureusement, il y a quelques exceptions !

Les montagnes libèrent les nuages de leur eau

En prenant les problématiques par le col (oui, là où on passe par dessus les montagnes), les sites listés ci dessous facilitent l’ascension des pentes compliquées tout en offrant un ruissellement organique (qui n’est pas canalisé dans un domaine ou spécialisation) des informations emportées par les nuages depuis l’océan Internet.

Je commence direct par le plus allumé: Affordance.info prend un malin plaisir de jouer avec tout. Très sérieusement, il décortique les faits, les assemble avec une perspective historique (il adore se citer lui même: il était là très tôt), leur donne une tournure où les jeux de mots ne sont jamais gratuits.
Il faut s’accrocher: il s’agit d’un guide de montagne très rapide, agile, efficace et surtout insatiable. Mais la vision qu’il nous offre du haut de son site en vaut la peine. Ne pas trop regarder en bas, vous verrez parfois rôder le désespoir.

Pas le temps ? « La réalité alternative existe« 

Même si Internetactu.net est une structure plus institutionnelle, la plume de Hubert Guillaud et de Rémi Sussan reste bien personnelle. A mi chemin entre des publications sérieuses comme « Le Monde » et des écrit plus pamphlétaires comme Affordance.info, ils proposent depuis des années des articles très documentés, où leur mise en perspective n’écrase pas notre propre construction d’opinion.
Depuis leur plateau d’altitude, on peut contempler un panorama à 360° et voir que finalement, tout se rejoint.

Pas le temps ? « Vers une société hyper-industrielle« 

Vu que l’on est sur une route plus institutionnelle, autant continuer un bout: le site de Meta-Media.fr, financé par France Télévisions, devrait pouvoir servir de poil à gratter dans les cols (bleus, et non pas couverts de neige) des fonctionnaires des télévisions publiques. Est-ce que ça fonctionne ? Nairnairnair, sans doute que pas.
Mais c’est pas grave: leur travail est précieux, alors autant en profiter et initier des changements à la place de ces grosses institutions qui, comme des dinosaures, ont de la peine à gravir les montagnes pour échapper à la pluie de comètes…

https://www.meta-media.fr/

Pas le temps ? Un article sur « Le casse-tête numérique : repenser le contenu à l’ère de la surabondance« 

On repasse maintenant droit en dehors des sentiers battus. Droit, oui: le grimpeur solitaire de Scinfolex.com analyse comment le droit (d’auteur, principalement) réagit aux nouveaux usages, comment les auteurs peuvent concilier créativité et respect. Malgré le côté très spécialisé, son blog est très suivi et sa réflexion permet, je l’espère, d’influencer de tous bords.

Pas le temps ? « Décret Chambord : le patrimoine livré à l’arbitraire« 

Sur un autre niveau (on est sur le continent asiatique, les sommets sont plus hauts), en anglais, le site de Stratechery.com allie une analyse qui se veut impartiale avec des dessins qui vulgarisent des enjeux compliqués. Le guide ici a un modèle économique qui fonctionne, avec un point d’honneur sur l’indépendance. Son regard est clair, précis et cartes sur table; reste à voir comment on utilise les cartes partagées pour avancer sur notre chemin !

Pas les temps ? Aller directement sur « Manifestos and monopolies » – et dans la foulée, lire son tout dernier billet, excellent.

Sur le blog de Ben-Evans.com, un investisseur bien côte ouest des états-unis, on a un point de vue fin et exigeant sur le monde des startups et de la technologie en général. Partir dans d’autres sphères de pensée permet de voir la face cachée des montagnes: les montagnes sont des montagnes et les humains sont des humains.

Pas le temps ? « Video is the new HTML« 

On revient en Français, avec un guide très patient qui propose la Superception.fr, généreux et qui joue lui aussi cartes sur table. Sans surenchère d’effets rhétoriques, tout en écrivant de manière limpide, il dit simplement son avis sur le fait que le numérique peut nous apporter, si on sort la tête du guidon technologique, des enseignements sur notre propre fonctionnement. Et comment apprendre, toujours apprendre de ceux qui essayent, qui se lancent dans l’ascension de parois difficiles, et qui font part de leurs chutes, comme de leurs succès.

Pas le temps ? « Les médias donnent des leçons mais n’éduquent pas« 

Pour terminer le tour d’horizon, il faut bien un pourcentage plus geek et plus commercial (il ne va pas aimer que je dise ça): Fredcavazza.net est un consultant évangélisateur critique et exigeant. Il aime promener son chat sur les sommets dans la neige, et donc c’est normal que le chat tire souvent la grimace.

Pas le temps ? « Pourquoi les applications natives ne doivent plus être votre priorité« 

J’espère que vous trouverez dans tous ces liens de quoi regonfler les pneus de votre véhicule (je vous conseille le vélo, vous comprendrez en finissant ce billet, juste en dessous), en ayant plus envie de jouer (avec modération, car on est pas seul sur les routes) avec votre frein et votre guidon…

L’ordinateur est la bicyclette de l’esprit…

Je ne peux pas m’empêcher de partager une citation que j’ai découvert dans l’un des sites cités ci dessus.

J’aimerais rester sur l’image d’un outil dont on minimise trop souvent le potentiel de nous faire voyager… dans la tête.
Et de mettre en mouvement l’imagination, qui a le pouvoir de déplacer des montagnes.

I remember reading an article when I was about 12 years old, I think it might have been in Scientific American, where they measured the efficiency of locomotion for all these species on planet Earth, how many kilocalories did they expend to get from point A to point B. And the condor came in at the top of the list, it surpassed everything else, and humans came in about a third of the way down the list, which was not such a great showing for the crown of creation.

But somebody there had the imagination to test the efficiency of a human riding a bicycle. The human riding a bicycle blew away the condor, all the way off the top of the list, and it it made a really big impression on me that we humans are tool builders, and we can fashion tools that amplify these inherent abilities that we have to spectacular magnitudes. And so for me, a computer has always been a bicycle of the mind.

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