Walking The Edit

Laboratoire « Archives fluides »

En collaboration avec Eternal Tour, j’ai mis sur pied un laboratoire de trois jours qui va réunir du 12 au 14 juin une dizaine d’artistes, chercheurs et architectes autour des questions suivantes :

– Archive et mémoire : du stockage (archivage) à l’usage (de notre mémoire – individuelle, collective), comment se lit et s’écrit une mémoire devenue numérique ?

– Auteur et spectateur : entre la personne qui donne (l’auteur) et la personne qui reçoit (le spectateur), les frontières sont de plus en plus poreuses. Comment initier de nouveaux pas de danse entre les deux parties, où l’œuvre peut potentiellement être le fruit de cette danse ?

– Matière et action : nous savons comment valoriser la matière (un objet d’art par exemple), mais nous sommes encore bien empruntés sur la valorisation d’une action (qui ne produit pas forcément d’objet). Comment donc présenter et valoriser ce chemin qui mène jusqu’à l’objet partageable ?

Participants: Pascal Amphoux, Donatella Bernardi, Enrico Natale, Hélène de Ribaupierre et Manuel Schmalstieg. Sous réserve, participation de Frédéric Kaplan, Nicolas Nova et Eyal Sivan.

Le laboratoire se donne comme objectif de synthétiser via une publication numérique interactive et ouverte toutes les pistes abordées et les conclusions provisoires: fragments de textes, photographies, vidéos sous formes courtes, enregistrements audio, dessins, cartes mentales, etc. Cette publication électronique sera réalisée en collaboration avec Cassandre Poirier- Simon et Nadya Suvorova.

Voici quelques lignes de cadrage supplémentaires.

Matière (objet) et action (usage).
Le monde matériel a des limites et contraintes qui sont révélées par l’usage des objets – un objet ne permet pas tous les usages que l’on pourrait imaginer. Cette limitation qui fait la valeur spécifique d’un objet n’est pourtant pas absolue: il suffirait de changer l’état de l’objet pour que d’autres usages deviennent possibles, sans forcément dénaturer ni son intérêt, ni son message ou ni son fond (de commerce, de pensée). Nous allons poser la question du changement d’état d’un objet (ou plus généralement d’une «tranche de matière»), notamment par le biais de sa numérisation: est-ce qu’un objet qui se «liquéfie» en une suite de données numériques gagne-t- il au change, et si oui, quoi? Est-ce que la valeur d’usage de cet objet traduit dans une autre forme va également changer d’état? Transfert, traduction, copie, transcodage, mapping: il y a quelques «jeux» d’outils à notre disposition pour rendre effectif ce changement d’état – en se demandant si l’on ne peut pas jouer «cartes sur table» et de partager le chemin qui mène à la destination – objet ?

Auteur (qui donne) et spectateur (qui reçoit).
A partir du moment que le spectateur exerce une action dans un cadre scénographié par un auteur, on peut dire qu’il produit une valeur (matérielle, immatérielle). Comment est-ce que cette nouvelle valeur peut-elle prendre part à la chaîne de valeur existante? Peut-on, et doit-on mesurer cette valeur créée? Est-ce que cette valeur peut faire partie, et comment, de la proposition initiale de l’auteur? Comment considérer, accueillir et valoriser celui ou celle qui potentiellement peut devenir co-auteur? Les pratiques contemporaines en dehors des lieux dédiés (black boxes et white cubes) ont déjà largement investi ces questions dans l’usage quotidien : qu’en est-il chez les praticiens dans les domaines de la production culturelle (où l’on peut ajouter les architectes) par rapport à cette question du changement d’état du statut d’auteur ?

Mémoire (humaine, informatique: données immatérielles en mouvement potentiel) et archive (données matérielles, ou données immatérielles consolidées et figées).
Qu’en serait-il si on affranchit le stockage de données, d’informations ou d’objets des contraintes temporelles? En somme, si on ne considère que le temps réel: le temps de lecture de ce qui est stocké? Et par extension, que la lecture peut générer une trace qui elle même peut faire partie de cette mémoire partagée ? Est-ce que l’on peut dire que la mémoire est quelque chose de liquide (en mouvement), du flux, alors que l’archive est quelque chose de figé (le gel du mouvement dans un état donné)? Est-ce que ce rapport complémentaire et antagoniste entre la mémoire et l’archive change avec l’arrivée de nou- veaux outils, de nouvelles technologies (on pense bien sûr aux ordinateurs, à ce fameux nuage de données…)? Est-ce que les archives vont pouvoir changer d’état et simplement (re)devenir mémoire ?

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