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Réflexions

To no Billag or not to no Billag

Cela fait des mois que ça me démange… l’initiative No Billag brasse tellement de questions, d’émotions et d’enjeux que j’aimerais partager dans ce billet quelques réflexions.
Rassurez-vous, le véritable sujet de ce texte n’est pas Billag (qui est juste un malheureux déclencheur, en plus d’être déjà mortVu que Billag va être remplacé par Serafe dès le début 2019.).

Ce qui m’intéresse ici et maintenant, c’est de réfléchir sur le paysage médiatique au service du citoyen que nous pourrions imaginer – et même désirer ! – pour la Suisse du 21ième siècle.
Comme je regarde la problématique depuis un autre endroit que la plupart des acteurs engagés dans la lutte contre l’initiative, j’espère que ces lignes vont faire rebondir mes réflexionsJe ne revendique aucune paternité dans les idées exposées dans ce texte. Il s’agit de pensées et de pistes d’action déjà abordées dans une multitude de coins et de recoins du web – je fais juste une synthèse personnelle pour alimenter une réflexion. sur autre chose qu’un champ de bataille.

Pour le dire tout de suite: je suis pour le transfert du milliard et quelque perçu par la redevance Billag dans la mécanique des impôts (et donc pour la suppression de la taxe, désolé Serafe).
Mais je vais voter contre l’initiative qui vise à supprimer la taxe.

Comment ça se fait que quelqu’un qui est contre la taxe va voter contre la proposition de suppression de la taxe ?

Avant d’étayer l’état actuel de ma réflexion avec plus de mises en perspective et d’arguments à travers d’autres billets complémentaires à venir, j’aimerais la résumer en quelques paragraphes.

On aime jouer à se faire peur…

Collecter l’argent pour le service public, oui, mais comment ?

Les initiants de No Billag ont au moins le mérite de remettre en question le financement des télévisions de service public par la redevance, perçue actuellement par la société Billag. Cette taxe est maintenant quasi obligatoire pour tout citoyen (qui n’a pas un écran connecté aujourd’hui ?), c’est donc devenu de fait une sorte d’impôt, qui fonctionne cependant en dehors des impôts: tout le monde, indépendamment de son revenu, doit payer le même montant.

Je ne comprend pas que la majorité des partisants au non à No BillagImpression personnelle: selon ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux ou le web, et pu entendre dans des discussions ne voient pas qu’il y a dans cet impôt anti-social et en dehors de la logique solidaire des « vrais » impôts un réel problème pour lequel il va falloir trouver une réponse, et rapidement.
En voici une, pour le très court terme.

Paradoxalement, le fait que les initiants de No Billag veulent interdire à la Confédération de subventionner des médias avec un financement public (via les impôts par exemple) va sans doute faire changer d’avis aux personnes qui étaient encore tentés par un oui de réaction épidermiqueParce que la société Billag et ce qu’elle représente n’est vraiment pas un chouchou national, loin de là: cette cible est facile et même désirable à attaquer. Aussi, sans doute, parce que le service public symbolisé par la SSR a un besoin urgent de se (faire) redéfinir. dans les urnes.
Avoir accès à des contenus de qualité, avec un minimum de publicité – donc forcément financé par le pouvoir public, vu que le marché Suisse est trop petit pour fonctionner avec des abonnements à la Netflix – semble être le vœu d’une grande majorité de citoyens.
Du moins, je l’espère.

Ce qui est en jeu, c’est la manière de collecter l’argent du citoyen pour financer des médiasEt pas seulement ce que l’on appelle aujourd’hui encore des télévisions… Les radios et la presse font des vidéos; la télévision produit des textes. Tout le monde fait de tout maintenant, contrairement à ce qui se faisait lors que la création de cette taxe., indépendants des pressions commerciales et politiques, au service du citoyen.

Et pour ça, il faut inventer quelque chose de nouveau, oser, et ne pas en rester sur les arguments qui mettent direct au placardCe que j’ai entendu (en téléphonant par deux fois à l’OFCOM directement) comme raisons sur le fait de ne pas passer la redevance Billag dans les impôts: la collecte des impôts au niveau cantonal puis la ventilation d’une partie de ces sommes pour un usage national reste plus chère que de passer par une société centralisatrice de type Billag; les personnes à faible revenu payeraient plus d’impôts (je demande à voir); le risque d’une trop forte ingérence du pouvoir politique dans les choix éditoriaux de la SSR. Je ne suis pas d’accord avec les auteurs de cet article https://www.letemps.ch/opinions/2018/01/17/no-billag-faits-opinions sur le fait qu’une subvention va enlever l’indépendance journalistique. Que pensent les cinéastes Suisses, subventionnés par l’OFC, de cette peur ? Que se passe-t-il dans d’autres pays qui fonctionnent comme ça ? Et si justement, ce « rapprochement » à la main qui donne l’argent amène les journalistes, dans la rédaction de leurs contenus, d’être encore plus irréprochables et inventifs ? la possibilité de passer par les impôts pour financer des médias de service public.
Entre le fait d’aérer le placard (de prendre le risque de faire évoluer la manière de financer le service public), ou de vouloir juste éviter le corbillard (se battre avec les croque morts de No Billag), le choix a été… un non choix.

Pas de plan A, ni de plan B… Quel est le plan alors ?

Il n’y a effectivement pas de plan B si l’initiative est acceptée (le service public, comme socle indispensable au fonctionnement d’une société, ne peut pas survivre sans soutien inconditionnel de l’argent du contribuable), il faut donc la rejeter.

Par contre, il est très dommage qu’il n’y ait pas eu de plan A qui ait été élaboré en amont, au moins dès le dépôt de l’initiative en 2015, pour contrer à la source la déclaration de destruction qu’est cette initiative et déplacer le débat sur un terrain plus constructif.
Avant de se faire « troller » comme maintenant par quelques forces maléfiques et de potentiellement perdre bien plus que ce qui aurait été risqué avec un plan A basé sur un changement nécessaire.

Pour le plan A, je ne parle pas des concessions faites à la va-vite par Doris Leuthard en baissant la somme de la redevance (une petite concession pour les ménages à faible revenu, qui déprécie en outre insidieusement la valeur quantifiée du service public), mais une vraie proposition de politique de financement des médias au service du public du 21ième siècle.
Un timide premier pas a été fait, seulement sur la mission et non sur la logique de financement, avec la mise en consultation de la concession SSR dès 2019.

Ce qui est en jeu, c’est la manière de percevoir et d’utiliser l’argent public pour rester en phase avec la réalité de la société, du monde.

Qui va alors faire la locomotive pour se doter d’un vrai plan ? Les politiques ? La SSR ? Les professionnels des médias ? Des groupes de pression ? Pour le moment, tout le monde regarde ailleurs (forcément). Dommage. Ou dommageable ?

Y a-t-il un plan pour se doter d’un plan, après le 4 mars ?

A la place d’intéresser le citoyen pour un futur des médias plus adéquat avec notre présent, de fédérer autour d’une vision commune pour permettre à notre société de rester en phase avec les mouvements du monde, les énergies s’éparpillent dans un cri de ralliement: tous sur le champ de bataille !

La polarisation des joutes du débat, un genre de scénario adéquat ?

La violence de l’initiative a fait se dresser un mur de réactions de défense, basées sur le principe d’appartenance. Ce mur ne fait malheureusement que masquer la vue sur les raisons plus subtiles des gens qui vont voter oui, et que l’on entend peu ou pas du tout dans ce débat polarisé: le citoyen qui ne peut ou ne veut pas payer la redevance. Pour de multiples raisons, qui ne sont pas forcément celles des initiants.
Ce mur très émotionnel empêche également d’entendre que derrière une partie du non qui va tomber in extremis dans les urnes pour assurer le (probable) sauvetage (temporaire) du service public audiovisuel, il y a des grincements de dents. Parce qu’il est bien possible qu’après le 4 mars, ce soit la continuation du business as usual.

Nous vivons un vrai scénario de film américain: le comble pour un pays qui produit plus de documentaires au long cours que de fictions manichéennes… On a besoin de se défouler ?
Nous avons d’un côté le bon côté de la force (la grande majorité de l’establishment politique, médiatique, culturel etc) et de l’autre les forces du mal absolu (les quelques libertaires anti-état de la droite dure qui ont réussi à tourner la tête à la moitié mouton de la population).
Comme le bon côté de la force a été pris de court par cette attaque extrême des forces du mal absolu, les réactions sont souvent à l’image de l’attaque dévastatrice: slogan choc contre slogan choc. Les quelques articles (voici un exemple) qui essayent de nuancer, d’apporter un peu de teintes de gris pour nous rappeler que nous vivons dans un monde complexe de contradictions et non dans un monde contrasté de principes immuables, doivent sortir couverts.

Le comble, c’est que tout le monde meurt si l’initiative passe, même les initiants.
La SSR qui va débouler en Frankenstein sur le marché publicitaire, pour aller chercher quelques centaines de millions pour fonctionner sur un mode forcément exsangue, va vite saigner les revenus publicitaires des privés, déjà mis à mal par les ogres Google et Facebook… quel gâchis.

Ce qui est en jeu, c’est la manière de faire débat, d’entendre et de prendre en considération les arguments et la réalité des uns et des autres, de créer un débat public constructif. Au delà des arguments (trop) facilement réfutables des initiants, passés maîtres dans l’auto-sabordage. Et quand c’est plus intelligent, comme ici, il faudrait pouvoir profiter de ces critiques non dénuées de logique pour améliorer sa propre compréhension de la problématique.
Ou dit autrement: comment ne pas réfléchir que depuis son bout de réalité (sa bulle de filtre) et arrêter de penser que tout le monde doit prendre ses propres références de valeur comme vérité absolue.
A ce jeu là, avec un peu de recul, je dois dire que le match est… nul.

D’ailleurs, j’en profite pour glisser ici une note de précaution et de protectionComme la journaliste du Temps de mon lien ci dessus, je dois rassurer pour ne pas me faire torpiller tout cru. Je suis fondamentalement en accord avec la majorité des slogans chocs et autres slow arguments en provenance du camp du Non à No Billag. C’est juste que j’ai de la peine à me satisfaire de contrer une attaque en refusant de se remettre véritablement en question, au delà de quelques phrases lâchées par ci par là (que oui, la SSR doit se réformer…)..

Au banquet des médias, on cherche le cuisinier, qui lui improvise une recette…

La presse et les médias de manière générale passent par une mauvaise période, après des dizaines d’années de vaches grasses. Maintenant, trop de monde s’est invité à leur banquet.
Alors que ce n’est pas la nourriture qui manque (elle est devenue en grande partie gratuite, en plus)… On se demande qui va légitimer la carte des menus (le fake food, c’est pas bon pour la santé) et fixer les prix, qui va encaisser les quelques sous et surtout qui va payer le personnel à la cuisine, qui doit lui satisfaire en flux continu une demande qui a explosé et qu’il s’agit de faire encore plus exploser.
GAFA, fake news, digitalisation, effondrement du modèle publicitaire, usagers volatiles qui ne payent plus pour ce qu’ils consomment…
On se rend compte d’un coup qu’il n’y a plus de recette simple et protégée, qui fonctionne presque automatiquement si on s’en donne (ou si on a) les moyens.

Ce qui est mis en question dans ces bouleversements, et c’est intéressant parce qu’il n’y a plus de réponses uniques et définitives, c’est:

  • la définition de ce qui est et fait un média (est-ce un appareillageLa télévision se fabriquait avec du matériel spécifique, selon une méthode normée. Aujourd’hui, n’importe qui peut « faire de la télévision » avec un smartphone… ou un formatLes informations écrites ? En vidéo ? Par de l’audio ? Aujourd’hui, tout à la fois, par tout le monde, mon cher Watson…; est-ce un canal à sens unique sur un mode monologueUne définition du Broadcast: envoyer un signal d’un émetteur (actif) à une masse de récepteurs (passifs). ou un flux bi-directionnel sur un mode conversationnelInternet. Du moins, son principe et sa promesse… ?);
  • les principes de ce qui permet la production d’un journalisme de qualité (est-ce lié à une marqueLes sondages rassurent les grandes marques de médias existants depuis des décennies qu’ils sont les plus crédibles. Instaurer une relation de confiance, ça se gagne sur la durée.; est-ce lié à un passé basé sur des principes ou des recettesLa bagarre entre le défenseurs des méthodes éprouvées sur des technologies bien assimilées, et les promoteurs des « nouvelles » manières de raconter des histoires, basées sur les nouveaux outils, à peine enseignés dans les écoles., ou alors une approche guidée par des remises en question sur un mode agileIndépendamment des technologies utilisées, c’est de repenser comment la valeur est créée, via une chaîne de collaboration plus horizontale, transversale et itérative… C’est principalement dans la tête des diverses parties prenantes que ça se passe. ?);
  • la définition de la place des médias dans le faire société ensemble (est-ce que le codage et le décodage des enjeux de société doivent venir du haut seulementLe journalisme « top-down », en prêt à penser, comme c’est encore majoritairement le cas maintenant, ou est-ce qu’il s’agit aussi d’intégrer des forces de la société civileUn journalisme qui prend en compte les désirs, questions, besoins et peurs des lecteurs à qui ils s’adressent. dans la création d’une culture d’information véritablement collective et citoyenne ?).

Découlant de ces quelques points, mon petit dernier est le plus important dans notre affaire:

  • pourquoi ce serait alors seulement la radio télévision nationale (et les quelques radio télévisions locales) qui devrait être soutenue par un financement public, et non pas également d’autres médias qui produisent des contenus indépendants et de qualité ?
    Quand je dis d’autres médias, je pense aux journaux, à des blogs, aux producteurs de contenus qui apportent des lumières complémentaires au phare bien visible de la SSR.

Pour illustrer quelque peu ces points (sur lesquels j’aimerais revenir avec un prochain billet), voici un article de Jeff Jarvis sur la disparition (bienvenue) des mass media du 20ième siècle, au profit d’une potentielle pluralité qui était déjà effective au 19ième siècle (et qui renaît maintenant avec Internet):

En synthèse: nous avons maintenant (enfin) une bonne opportunité d’aller au bout de ce qu’il faudrait défendre et pérenniser, qui ne peut pas être que le seul media télévision.
Le modèle actuel soutient un type d’institutionQuels points communs y a-t-il entre la SSR, Swisscom, La Poste ou les CFF ? J’en vois un, d’expérience: il y a tellement de chefs (managers avec un pouvoir spécifique) que pour « convertir » une proposition extérieure en un meeting, puis en une action (même d’un refus explicité d’aller plus loin dans la discussion), c’est mission quasi impossible. Enlisement direct garanti (il y a parfois, rarement une petite exception). (d’un autre âge), un style de productionCe point mérite à lui seul un billet entier. Rapidement: la lourdeur de la chaîne de production n’est pas que technique (c’est pro quand c’est compliqué), mais aussi dans les métiers qui restent bloqués sur des manières de travailler héritées des technologies en voie de disparition (qui tend à devenir obsolète) et un supportEn fait, c’est déjà le deuxième support qui est mort (la pellicule a disparu il y a plus de 30 ans, puis la bande vidéo il y a moins de 10 ans), avant la disparition en cours du « support » de transport du signal vidéo (le signal hertzien). (qui n’existe plus). En plus de la pensée dépassée du broadcast en top-down, mise à mal par les générations nées avec le web.

Avec les moyens financiers publics à disposition (via les impôts !), il pourrait être possible de se donner collectivement les moyens de garantir une pluralité hétéroclite et idéalement surprenante d’histoires, d’opinions, d’analyses, de styles esthétiques, de concepts, de formats et de voix… Un nouveau modèle qui soutiendrait plutôt un type d’approche agile, une attitude de se mettre au service du public avec des valeurs de partage.

Personnellement, je ne suis pas sûr que de garder la recette actuelle  – à savoir: adresser tous les besoins de nutrition informationnelle saine et équilibrée à travers une cuisine centralisée et énorme – est forcément le meilleur choix.

Ce qui est en jeu, c’est la manière d’utiliser les moyens financiers et de définir les destinataires de ces moyens pour rester une société en mouvement.

En attendant d’écrire un billet spécifique sur une possible nouvelle manière de produire, d’éditorialiser et de diffuser des contenus pour alimenter en informations saines le bon fonctionnement de la société, voici un ricochet qui pourrait inspirer, si l’on transpose les enjeux de Facebook à la SSR (se concentrer sur le paragraphe 3):

https://shift.newco.co/maybe-facebook-should-abandon-the-news-feed-altogether-56bd7afbd1e3

Les montagnes bougent seulement s’il y a un tremblement de terre

Nous voilà au chapitre de la remise en question nécessaire du mastodonte difficile à faire évoluer qu’est devenu la SSR.
Ce n’est pas juste une formule méchante et gratuite, la SSR le sait, heureusement: il faut qu’elle écoute les critiques (aller plus vers son public, écouter), qu’elle évolue (se rendre compatible avec les nouveaux usages numériques et de l’évolution des usages), qu’elle se remette en question (un grand pouvoir implique de grandes responsabilités).

Ce que j’espère fortement, c’est qu’elle va prioriser les chantiers suivants:

  • abandon total de la publicité (pour moi ce n’est pas du tout tenable qu’un service public payé par le contribuable puisse revendre sa propre audience à des marques),
  • sortir de la régie publicitaire Admeira (mais quelle mouche a donc piqué les dirigeants de la SSR de vouloir devenir un gros acteur sur le marché de la publicité ?),
  • changer d’attitude envers les partenaires et les entités externes avec qui elle doit collaborer (il y a un déséquilibre malsain entre les divers étages de la direction des entreprises de la SSR et les professionnels indépendants extérieurs, au détriment de ces derniers),
  • faire évoluer les mentalités des professions représentées au sein de la SSR par une vision commune inspirante qui tire vers l’avant (le corporatisme des métiers historiques de la télévision freine les changements nécessaires),
  • Enrichir la manière de penser Broadcast qui est dans l’ADN de la production télévisuelle (pour simplifier: produire pour la ménagère de 50 60 ans, madame Michu) avec des gestes créatifs plus affirmés (faire plus confiance à son audience) et surtout en amenant une dynamique conversationnelle dans ses efforts de production (oh, c’est quoi ça ? Oui, il faudrait développer plus ce point. En attendant, un petit lien),
  • last but not least: innover dans le fond (l’offre à redéployer en profitant d’Internet) et la manière (de créer la valeur), et pas seulement dans la formulation (les laboratoires digitaux des entreprises de la SSR pourraient servir à plus que de se profiler dans des festivals et communiquer sur quelques initiatives one shot). Sauf que, pour ce dernier point, la marge de manœuvre de la SSR est limitée – voir l’avant dernier chapitre.

Je souhaite du courage et de la persévérance aux directeurs des entreprises de la SSR: il y a du boulot.
J’espère fortement que les instances dirigeantes de la SSR ne vont pas trop se cacher derrière l’OFCOM/DETEC (« en tant que SSR, on exécute un cahier de charges qui nous est imposé… »), qui elle, à court de vision (mais est-ce son rôle ?), risque de diluer les quelques idées et contraintes qui lui viennent des politiques dans un règlement qui tente à nouveau un compromis bien Suisse… On verra bien.
En attendant… ah oui, il faut voter NON ! (au cas où vous ne l’auriez pas entendu ailleurs).

Ce qui est en jeu, c’est les valeurs, le management et la vision d’une grande entreprise de service public.

Place au marché: se battre pour vendre son public

Pour faciliter l’affranchissement d’un schéma de pensée hérité d’une époque qui se termine et pour faire bouger les mentalités à l’interne en terme d’objectifs et de valeurs, il y a à mon sens la remise en question nécessaire de la logique utilisée pour mesurer le succès (ou le non succès): les parts de marché.

<Pause pub>

http://admeira.ch/fr/brands/tv/rts-un

D’un côté, il est joliment dit que la télévision publique s’adresse à des citoyens, contrairement à la télévision privée qui s’adresse à des consommateurs.
Et de l’autre, plus sèchement mais avec une certaine pointe de fierté, il est question d’un marché sur lequel il faut se battre pour un maximum de parts.

Les parts de marché servent principalement à structurer la mécanique de la place de marché qui permet à des médias de vendre des segments de leur audience à des marques.
C’est évident que plus l’audience est grande, plus c’est intéressant pour l’annonceur, et plus cher on peut vendre la minute d’antenne.

<Pause pub (désolé, pas de dernière fraîcheur)>

https://www.publicitas.ch/fr/recherche/marche-publicitaire-suisse/donnees-media/donnees-media-tv/part-de-marche/

Je ne comprend pas comment on ne peut pas ne pas comprendre un certain agacement, voire la colère des médias privés qui sont très fortement dépendants des entrées publicitaires liées à ces places de marché, de devoir partager le gâteau publicitaire avec une entité qui bénéficie d’un pactole de départ bien doté.
Un des griefs des initiants de No Billag, à savoir la concurrence déloyale de la SSR sur le marché publicitaire, n’est pas un argument dénué de fondement.

Mais, comme toujours quand on commence à gratter, on s’aperçoit que les choses ne sont pas aussi évidentes que ça. Même les annonceurs redoutent la disparition de la SSR (avec qui ils aiment faire affaire, voire même ils en sont devenus dépendants), parce qu’ils cherchent des contextes premium et bien maîtrisés où placer leurs publicités (qui a envie d’avoir son annonce à côté d’un YouTuber qui rigole en filmant un cadavre ?).
Je tente alors une boutade: si la SSR n’offre (enfin, vend) plus de fenêtre publicitaire à des annonceurs, du coup, les privés (Tamedia qui rigole doucement dans son coin, Ringier et cie) vont devoir investir dans la qualité (du journalisme, des contenus) pour attirer chez eux les annonceurs… Chiche !
Parce que s’ils ne le feront pas, il y a fort à parier que les investissements publicitaires iront se faire sur les places de marchés digitales, détenues principalement par le duopole Google / Facebook.

La SSR ferait bien de quitter cette place de marché publicitaire qui commence sérieusement à sentir le roussiMême Facebook et YouTube commencent à prendre peur devant les conséquences d’être tributaires des effets collatéraux de ces places de marché (voir les changements de leurs algorithmes et politique de modération en ce début d’année 2018…, pour aller rejoindre des meilleures énergies sur la place du village / de la ville, là où les citoyens vivent.

Il faudrait pouvoir utiliser, ou encore mieux, inventer une symbolique de mesure de succès qui soit à la hauteur de la mission d’un service public qui a mieux à faire que de revendre son audience par tranches qualifiées à des annonceurs.

Ce qui est en jeu, c’est de changer les valeurs liées à la quantification des objectifs à atteindre et de rajouter des vecteurs d’analyse qualitatifs en phase avec la mission de service (au) public.

Un plan sur la comète ?
Pour se changer quelque peu les idées, voici une petite histoire qui parle d’une comète et d’une place de marché…

Parfois, on est mieux en prison. Surtout si elle est dorée…

Le carcan de règles imposé par l’usage de la redevance met la SSR dans une sorte de prison dorée, même si elle a su jouer finement pour repousser année après année ses propres murs. Cette prison protège bien quelque peu des éclaboussures de notre monde en ébullition, les airbags financiers et structurels livrés avec les moyens de la redevance atténuent encore la casse que l’on voit déjà se propager dans les pays mal lotis en aides publiques. Mais cette cage de protection ne va pas annihiler comme par miracle les causes perturbatrices sur le moyen et le long terme.
Et surtout, malheureusement, cette prison dorée est en train de limiter la marge de manœuvre de la SSR pour évoluer comme elle sait bien qu’elle le devrait.

Il y a d’un côté le rêve dont je souhaite l’application dans la réalité à plus de monde qu’aux seules institutions publiques: avoir des moyens financiers assurés et pérennes à la source, pour bien faire son boulot et ne pas trop se perdre dans le stress de la monétisation de tout ce qui bouge.
Et de l’autre, il y a les contraintes et les compromis qui doivent être faits pour que l’application de ce rêve continue à rester réalité.

Concrètement, la SSR est trop limitée (à cause de BillagNon, Billag n’est pas responsable de tous les maux. En l’occurrence, il s’agit des contraintes liées au fait de profiter d’une redevance (perçue par Billag). – décidément…) dans les développements qu’elle devrait faire sur Internet: les éditeurs privés sont aux abois et veulent mettre un maximum de gardes fous pour éviter que la SSR leur refasse le coup AdmeiraEn plus de se pencher encore plus sur leur gâteau publicitaire, la SSR a réussi à déclencher une petite guerre de tranchée entre éditeurs privés – bien joué… Mais il y a sûrement encore d’autres cadavres dans les sous bois..
Il faudrait donc que la SSR se reprenne sur certains points (la publicité, Admeira), ouvre l’accès à ses contenus en partenariat avec d’autres parties prenantes, pour pouvoir réellement se déployer comme elle le devrait sur Internet.

Ce qui est en jeu, c’est de trouver le bon équilibre non bridé entre une capacité financière assurée, avec des contraintes (tout le monde en a), et une liberté d’action propre (tout le monde devrait en avoir), à même de répondre aux enjeux du monde changeant d’aujourd’hui.

Secouer ou être secoué ?

De la nécessité de se trouver un nouvel ennemi

Avec une pointe d’ironie, je remercie les initiants de No Billag d’avoir secoué le cocotier du PAS (le Paysage Audiovisuel Suisse), parce que s’ils ne l’avaient pas fait, il y a fort à parier que ni les politiques, ni l’OFCOM et encore moins la SSR se seraient bougés de manière aussi précipitée.
Et que font les professionnels indépendants du PAS ? De ce que je vois, personne a vraiment envie ou intérêt que les choses bougent – c’est déjà assez difficile comme ça.

Reste à voir si, une fois le cap du 4 mars passé, avec un non dans les urnes, toutes les parties concernées se mettent bien au travail. Et qu’il n’y ait pas que des dinosaures qui sortent du bois

Pour d’une part régler à la source les problèmes réels, rapidement, avant que le spectre des fumeux arguments de No Billag se réincarne en velléités de diminution de la taxe Serafe.
De voir qu’il faut savoir écouter la partie mécontente de la population et en tirer les conséquences (sortir du scénario de confrontation actuel et apporter un plan désirable pour le citoyen).
D’autre part, ne pas baisser les moyens financiers pour la production de contenus au service du citoyen (arrêter de brader), mais d’utiliser les impôts pour ce qu’ils sont censés être: un socle pour la démocratie, un moteur pour la cohésion sociale.
Finalement, d’attaquer ensemble, sans que le Goliath SSR écrase les David des divers médias, une politique de médias de service public compatible avec le 21ième siècle.

Comme il est souvent plus simple de se fédérer face à un ennemi commun, et que le camp des meneurs de No Billag ressemble actuellement à un bateau fantôme (ils sont heureusement très forts pour couleur leur propre crédibilité de navigation), il faut juste espérer que les médias Suisses ne tombent pas dans le panneau des ennemis faciles (mais impossibles à vaincre) que sont les plateformes numériques américaines. Ou de diaboliser Tamedia, nouveau poids lourd en Suisse.

Que l’ennemi commun devienne plutôt: la peur du changement.

Pour finir, j’aimerais reformuler le titre de ce billet, pourtant déjà bien alambiqué, en: no to no Billag now, to no Serafe later, alligator.

Liens additionnels

http://ideesuissecontrenobillag.ch/wordpress/?p=153

Tout (ou presque) est dit ici, clairement, parfaitement, de manière bien structuré – mais en allemand seulement…

https://www.journal21.ch/das-desaster-einer-hausbackenen-politik

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