Walking The Edit

WE à la plage

Juste après la présentation parisienne, le projet était invité au festival FIPA à Biarritz.
Dans le cadre d’une nouvelle section encore bien marginale, il s’agissait là aussi d’appliquer la « méthode » parisienne de la combinaison théorie et pratique. Dans ce but, nous avons mis en place de manière express (merci à Alexa Andrey pour son endurance) une adaptation en utilisant des vidéos trouvées sur le net et liées à Biarritz d’une manière ou d’une autre: images de touristes, archives, sujets de la télévision sur des faits locaux, tempêtes, animaux sous marins etc…
Sans connaître le territoire, nous avons essayé de trouver et placer des fragments vidéo pour pouvoir raconter le territoire – l’exercice a été intéressant, nous n’avions encore jamais testé l’utilisation de vidéos provenant du web et je vais y revenir avec un billet spécifique.

Par contre, une fois sur place, il a été difficile d’appliquer notre plan: les deux présentations ont été très peu suivies (sur les deux fois il y a eu en tout une petite dizaine de personnes…); il a été difficile de trouver des personnes ayant un iPhone avec la version iOS 4.x et en plus motivées d’aller marcher. Au final, qu’une seule personne a réellement testé (exemple). 3 semaines de travail acharné et totalement volontariste pour ça…
Et c’est pas tout: la présentation du projet dans un hall du Casino, sur un vieux PC portable avec Internet Explorer du siècle dernier: site illisible, inutilisable. C’est comme si on projette un film totalement flou et sans son, et que l’on ne fait rien pour changer ça durant la projection. Mais bon c’est pas grave, c’est juste des web programmes…
Voici une photo de cet écran:

Malgré ces désillusions et le sentiment de total décalage avec les enjeux des autres participants, il y a eu quand même de bonnes rencontres et des discussions intéressantes; et le fait de voir la mer en janvier est toujours agréable !

Ces quelques jours dans l’antre de l’Hadopi et des bonnes vieilles télévisions (qui cherchent une cure de jouvence) m’amène aux remarques suivantes (très sommairement posées; chacune nécessiterait des approfondissements avec un argumentaire plus poussé – c’est un premier jet):

– il y a un sacré décalage de génération qui freine la réelle ouverture vers des nouveaux usages. Les personnes ayant encore le pouvoir incarnent, quoi qu’ils disent, la pensée linéaire et broadcast pas vraiment soluble dans le web et surtout un usage du pouvoir classique (quelques personnes tout en haut qui pensent et décident pour tout le monde, parce que les autres en bas n’en sont pas vraiment capables: le web ok, mais « managé »). Souvent masculins, entre 55 et 65 ans, ils disent clairement ne pas vouloir trop d’autres personnes à leur table (ok, mais seulement s’ils contribuent aux frais);

les modèles éprouvés ont la peau dure. Le monde change vite (dit-on surtout dans les domaines des nouveaux médias et de l’audio-visuel), mais la manière d’entrer en relation avec ce monde qui bouge reste très traditionnelle. Il y a bien des slogans comme « il faut innover, chercher à investir de nouveaux usages, en être (de ce nouveau monde) », ou des constatations du retard pris (sur les nouveaux arrivant qui veulent squatter la table bien fournie en bons petits plats cuisinés par les cuisiniers producteurs et réalisateurs). Les quelques projets qui tentent de manière volontariste et courageuse des expériences différentes sont coincés par le cadre du modèle actuel (bien rodé, mais un peu usé) qui veut que:
1) l’on produise des objets et non du projet (la minute unitaire mesurée en taux d’audience vs. l’open source qui se mesure en terme d’usage);
2) le financement s’applique à un résultat visé et non pas à une expérience qui peut évoluer dans le temps (c’est la destination qui est financée puis valorisée au détriment du chemin – ou encore mieux la combinaison complémentaire des deux);
3) on pense court terme et non long terme (la vie des images encore liées aux objets-films qui circulent, de quelques jours ou semaines à la TV à 18 mois pour les projets de cinéma – ou comment intégrer la valorisation d’un projet dans le temps dès le départ ?). Pourquoi fermer le robinet d’un projet web après quelques mois ? Entre le coût de sa mise en place, de démarrage et le coût de suivi, d’entretien, il y a sûrement un équilibrage possible…
4) les tournages et le montage se font toujours de la même manière, alors qu’aujourd’hui les caméras sont bien plus qu’un oeil et une oreille (quid d’un usage artistique des métadonnées, de l’utilisation des autres capteurs GPS, accéléromètre etc au même titre que la profondeur de champs par exemple ?); les bancs de montage ne sont pas seulement des îles peuplées de cowboys-girls solitaires, mais potentiellement des embarcations qui peuvent se lier à d’autres et accoster potentiellement partout…
5) last but not least: la position du spectateur. On le veut plus acteur, lui donner plus de place personnalisable – mais cela implique aussi un partage du pouvoir sur les images et leur manipulation. Est-ce que les réalisateurs, producteurs et ayants droits sont ok de partager un peu plus leur pouvoir avec la perspective de gagner autre chose que le « final cut » (et les droits d’auteur qui vont avec) ?

le web n’est pas un arbre. Bon, difficile d’en faire un dessin, mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une structure en arborescence avec des liens figés. Mais pourquoi donc s’entêter à vouloir créer des structures narratives aussi figées et au mieux avec une structure en arborescence avec des liens dynamiques et de plaquer tout ça sur le web ? La (vieille) branche du cinéma et de la télévision dans l’âge du rhizome – comment traduire ?
D’un côté l’argument que le spectateur a envie (voir même besoin) d’être pris par la main (pour diverses raisons) et de l’autre des propositions d’une nouvelle expérience plus englobante, personnelle (multimédia, transmédia). Le prendre par la main pour mieux le perdre ?
L’impression que ça me donne, c’est un peu comme au début du cinéma, où on s’entêtait à travailler le jeu d’acteur comme au théâtre alors que le cinéma permettait de créer de manière fondamentalement différente. Aujourd’hui, on essaye de faire entrer au chausse pied les réflexes cinéma et télévision dans un médium qui est totalement différent; expériences volontaristes pour pouvoir trouver un jour non pas la formule unique (ça c’est sans doute terminé pour toujours, et tant mieux) mais des nouveaux réflexes, des nouvelles méthodes et ingrédients à travers lesquels les images en mouvement peuvent nous prouver qu’elles ont des réserves insoupçonnées ?

des briques ou du préfabriqué ? Une maison, un aéroport fait avec des briques ou du préfabriqué: avec laquelle des deux solutions on peut construire quelque chose de particulier, de surprenant, de hautement personnalisable ? En plaquant cette question sur le monde audio-visuel, on peut se demander si nous réfléchissons toujours avec les échelles adéquates… Cela va du rapport de tournage (nombre d’heures tournées en comparaison avec les minutes valorisées) à la période de validité des images (consommables jusqu’à…) en passant par l’unité plan (notre brique) vs. la cohérence de la séquence éditorialisée (notre préfabriqué).

To be continued (and resampled)…

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